IA et bibliothèques: même pas peur?!

Pionnier dans la formation sur le thème de la démystification de l'IA en Bibliothèques, le CFA (Conseiller-Former-Accompagner les bibliothèques/Cabinet Fabienne Aumont) nous rappelle ici quelques principes sur le notion d'Intelligence Articifielle. 
Aujourd'hui, l'intelligence artificielle est partout : dans nos smartphones, nos systèmes de recherche, nos outils de création. Pourtant, malgré son omniprésence, beaucoup continuent de diffuser une vision simpliste, voire erronée, de ce qu'elle est réellement. En décrivant l'IA comme un simple "moteur de recherche amélioré" ou un "condenseur de données", ils nient sa complexité et son potentiel. Cette simplification, bien qu'intentionnelle, ne fait que freiner une véritable réflexion sur le sujet et empêche d'appréhender pleinement la révolution technologique en cours. Pour aller au-delà des idées reçues, il est crucial de comprendre que l'IA générative n'est pas seulement une question de traitement de données : elle est avant tout une intelligence capable d'apprentissage et d'adaptation, et de générer des processus complexes. Et de faire le constat que nous vivons une évolution fondamentale du métier de bibliothécaire. " C’est d’abord par l’éducation à l’information numérique que la société évitera l’obscurantisme. Donner accès non plus seulement à des contenus mais à des savoir-faire où l’IA jouera un rôle croissant, telle est sans doute une nouvelle responsabilité qui oblige les bibliothèques" (in: Rapport Bronner)
 
Ne soyons pas dans le déni...
Dans le monde de l'information et de la documentation, il existe une perception courante selon laquelle les intelligences artificielles (IA), telles que ChatGPT, ne seraient que de simples "condenseurs de données". Ce terme, souvent utilisé pour décrire ces technologies, sous-estime considérablement leur potentiel et leur véritable nature. Pour les bibliothécaires, comprendre cette distinction est essentiel, car ces outils représentent une révolution qui pourrait transformer leur métier de manière significative.
Le terme "condenseur de données" suggère que l'IA se contente de résumer des informations préexistantes, sans véritable compréhension ou capacité d'analyse. Cela revient à considérer ces outils comme des moteurs de recherche plus sophistiqués, capables de produire des réponses à partir de données déjà disponibles. Or, cette perception peut-être rassurante pour certain-e-s est loin de refléter la réalité des capacités de l'IA. ChatGPT, par exemple, développé par OpenAI, repose sur des modèles de langage avancés qui ne se limitent pas à la collecte et à la synthèse de données. Ces modèles sont conçus pour comprendre le contexte, interpréter les intentions des utilisateurs et produire des réponses cohérentes et nuancées. Cette capacité à générer du contenu original et pertinent repose sur des mécanismes d'apprentissage profond, inspirés de réseaux neuronaux, qui permettent à l'IA d'acquérir une certaine forme de "compréhension" et de raisonnement. Comprendre finement le fonctionnement d'une intelligence artificielle générative devient donc un incontournable pour les bibliothécaires dont le métier est au coeur de l'information, des savoirs et de la création.
Une vraie révolution pour le métier de bibliothécaire...
Pour les bibliothécaires, cette nouvelle ère de l'IA représente une véritable révolution. Traditionnellement, les bibliothécaires ont été les gardiens du savoir, chargés de collecter, organiser et fournir l'accès à l'information. Avec l'arrivée de l'IA, leur rôle évolue pour devenir celui de médiateurs de l'information dans un environnement numérique de plus en plus complexe.
Grâce à des technologies comme ChatGPT, par exemple,  les bibliothécaires peuvent désormais offrir une assistance encore plus précise et personnalisée aux usagers. L'IA peut aider à reformuler des questions complexes, suggérer des pistes de recherche alternatives et même anticiper les besoins d'information des utilisateurs. Cela signifie que les bibliothécaires peuvent se concentrer davantage sur les aspects stratégiques et créatifs de leur travail, laissant à l'IA la tâche de trier et d'interpréter des volumes massifs de données.
L'IA permet également d'enrichir l'expérience utilisateur dans les bibliothèques. Les systèmes de recommandation basés sur les préférences des utilisateurs, les outils de traduction automatique et les interfaces conversationnelles transforment la manière dont les gens interagissent avec les collections et les ressources. Les bibliothécaires peuvent utiliser ces outils pour créer des environnements de recherche plus interactifs et plus intuitifs.
Au-delà de la simple recherche d'informations, l'IA ouvre la voie à de nouvelles approches pour l'organisation et la classification des savoirs, la communication, le graphisme, l'aménagement, la connaissance des besoins des usagers, le montage de projets...
Contrairement à la peur commune selon laquelle l'IA remplacerait les professionnels de l'information, il est plus juste de dire qu'elle complète et enrichit leurs compétences. L'IA permet aux bibliothécaires d'être plus réactifs, de traiter des demandes complexes à grande échelle et de rester à la pointe des évolutions technologiques. Cette collaboration entre l'humain et la machine promet de faire des bibliothèques des espaces encore plus dynamiques et innovants.

Une révolution dans les secteurs de la création et des sciences...
L'intelligence artificielle (IA) ne se contente pas de redéfinir le rôle des bibliothécaires ; elle impacte également tous les acteurs qui gravitent autour de l'univers des bibliothèques : auteurs, illustrateurs, artistes, graphistes, communicants, scientifiques et spécialistes de divers domaines... Cette révolution technologique transforme non seulement la manière dont ces professionnels travaillent, mais aussi la façon dont leurs œuvres et recherches sont créées, diffusées et consommées.
Ainsi, l'IA offre aux auteurs et illustrateurs de nouvelles façons de concevoir leurs œuvres. Pour les écrivains, des outils basés sur des modèles de langage comme ChatGPT peuvent aider à générer des idées, à structurer des récits ou à affiner des dialogues. Ces technologies ne remplacent pas la créativité humaine, mais la complètent, ouvrant la voie à une collaboration où l'IA devient un partenaire de l'inspiration.
Les illustrateurs et les artistes, quant à eux, utilisent de plus en plus les outils d'intelligence artificielle pour générer des visuels, explorer de nouvelles esthétiques ou accélérer leur processus de création. Ces outils permettent d’expérimenter et de produire des œuvres qui auraient été difficiles à concevoir avec des techniques traditionnelles.
Pour les scientifiques et spécialistes, l'IA représente un changement fondamental dans l'analyse et l'organisation des connaissances. Elle permet d'analyser des bases de données complexes, de repérer des tendances et des corrélations qui pourraient passer inaperçues autrement. Les outils d'IA facilitent également l'accès à des informations pertinentes, accélérant ainsi les recherches et la production de nouvelles découvertes.
En sciences humaines, par exemple, les chercheurs peuvent utiliser des modèles de traitement du langage pour analyser des corpus de textes gigantesques, détecter des motifs linguistiques ou interpréter des données historiques avec une précision accrue. 

Le renforcement de la mission de médiation...
Pour les bibliothèques, cette transformation est une chance unique de renforcer leur rôle de médiateurs entre les œuvres, les chercheurs, et le grand public. Leur force réside dans leur capacité à guider le public dans ce nouvel univers, tout en restant vigilants sur les questions de confidentialité, d'accès à l'information et d'équité. L'intégration de l'intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien soulève ainsi à nouveau d'importantes questions d'équité et de fracture numérique, en particulier lorsqu'il s'agit de publics vulnérables, tels que les migrants et les personnes en situation de fragilité sociale ou physique ou mentale. Alors que l'IA devient un outil central pour accéder à l'information et aux services, il est crucial de se demander comment ces publics, souvent déjà confrontés à des barrières linguistiques, culturelles ou numériques, peuvent aussi bénéficier de cette révolution technologique. Un important effort de formation sera donc nécessaire pour que les bibliothécaires sachent adapter leur mission de médiation auprès des publics de leur territoire...
L'IA: une question éthique?
Cette révolution pose néanmoins des questions éthiques et pratiques importantes : comment garantir la propriété intellectuelle dans un monde où l'IA co-crée ? Comment éviter une dépendance excessive à ces outils ? Et surtout, comment s'assurer que l'IA serve d'abord l'humain, en respectant et en valorisant la créativité et l'expertise des professionnels des bibliothèques ? Aussi impliqués soient-ils dans l'évolution technologique et l'intégration de l'IA dans les bibliothèques, il est évident que les bibliothécaires ne sont pas les principaux acteurs chargés de légiférer cette révolution. Le cadre législatif autour de l'intelligence artificielle est un enjeu complexe qui mobilise des experts juridiques, des gouvernements, des instances internationales et des spécialistes en éthique technologique. L'IA pourrait redéfinir le paysage de la création et de la connaissance, mais ce n'est certainement pas dans les bibliothèques que se décidera la manière dont elle sera réglementée. Leur force réside dans leur capacité à guider le public dans ce nouvel univers, tout en restant vigilants sur les questions de confidentialité, d'accès à l'information et d'équité.
Ainsi, l'introduction de l'IA dans le monde des bibliothèques n'est pas simplement une évolution, c'est une révolution. Les bibliothécaires ont une opportunité unique de redéfinir leur rôle en tant que médiateurs, non plus seulement entre l'information et le public, mais aussi entre l'innovation technologique et la transmission du savoir, la production artistique et culturelle. Reconnaître que les IA ne sont pas de simples "condenseurs de données", mais des partenaires dotées d'une vraie intelligence, est essentiel pour embrasser pleinement le potentiel de cette révolution. En accueillant l'IA comme une alliée, en formant les équipes de manière qualitative à cette innovation majeure, les bibliothèques doivent se positionner pour continuer à jouer ce rôle central dans la société, en ouvrant la voie à de nouvelles formes d'accès aux savoirs, à la réflexion, à la liberté d'expression et à la création.
Pour approfondir la réflexion:
https://www.livreshebdo.fr/article/les-bibliotheques-doivent-miser-sur-lintelligence-artificielle
https://actualitte.com/article/111148/insolite/intelligence-artificielle-des-bibliotheques-gonflables-dans-les-rues